Le Petit Journal du 7 mars 1891

"Le Petit Journal", supplément illustré numéro 15 du samedi 7 mars 1891, présentait l'Armée coloniale en partie.
Il est à noter que la Légion étrangère était intégrée à l'Armée coloniale (appelée aussi Troupes coloniales ou Troupes des colonies françaises).
Avec l'indépendance des colonies, les Troupes coloniales disparurent en 1958 en reprenant leur ancien nom de troupes de marine, tout en restant dans l'armée de terre.
 
La "Une" représente, au premier rang : Officier de tirailleurs sénégalais. — Cipahis des Indes. — Tirailleur algérien. — Légion étrangère. — Tirailleur annamite. — Tirailleur de Madagascar.
2ème rang : Spahi sénégalais. — Spahi algérien.
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NOS GRAVURES

L'armée coloniale

     Nous allons enfin posséder une armée coloniale ! Depuis vingt ans bientôt la question est à l'étude; mais il a fallu que la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement ordonnât sa création à bref délai pour mettre tout le monde d'accord. Cette bonne entente durera-t-elle longtemps ?
     Les troupes de l'armée coloniale qui vont être rattachées à la guerre feront-elles, un jour ou l'autre, retour au ministère de la rue Royale ? Le sous-secrétaire d'Etat aux colonies aurait tort de désespérer de l'avenir puisque l'histoire nous apprend que depuis 1669, date de la création des deux premiers régiments destinés à servir dans les ports et sur les vaisseaux, les différentes troupes affectées aux colonies furent, à six reprises, licenciées ou placées dans les attributions du ministre de la guerre pour retomber bientôt sous la dépendance du ministre de la marine. 
     C'est le 20 décembre 1669 que furent formés par le département de la marine les deux premiers corps d'infanterie de marine : « Vermandois » et « Royal-Marine ». Dès 1671, le marquis de Louvois les enlève à Colbert. Quinze ans plus tard, en 1685, Seignelay, ministre de la marine, prend la revanche de son père et constitue de nouvelles troupes destinées spécialement à tenir garnison dans les colonies.
     Après les « Compagnies franches de la marine » nous voyons alors successivement défiler le «  Corps royal de marine », les « Régiments pour le service des colonies d'Amérique », le « Corps royal d'infanterie de marine », les « Régiments de la marine », et enfin, en 1883, l'infanterie de marine actuelle.
     L'extension de nos colonies a peu à peu nécessité l'extension des cadres et des effectifs de ces troupes d'élite; aujourd'hui, on ne compte pas moins de 181 compagnies d'infanterie de marine proprement dite et 76 compagnies de corps indigènes formant 17 régiments, 4 bataillons et 13 détachements.
     Sans vouloir faire l'historique de ces régiments, nous devons rappeler que, depuis 1833 (??), ils ont pris une part active à toutes nos guerres, à toutes nos expéditions. En Nouvelle-Calédonie, en Cochinchine, au Sénégal, à Madagascar, au Tonkin, en Annam, à Formose, en Crimée, en Italie, au Mexique, en Chine, dans toutes nos armées de la campagne de 1870-71, partout l'infanterie de marine suit sa glorieuse tradition de bravoure; aujourd'hui encore, au Dahomey, nos intrépides  petits « marsouins » se souviennent de leurs aînés, les héros de Bazeilles, et marchent crânement sur leurs traces.
     Vienne une guerre nationale, nous les verrons prendre leur place de combat à côté des camarades de l'armée de terre et ajouter de nouveaux chapitres à leur légende héroïque !
     Que l'on se hâte donc de voter le projet que la commission technique présidée par le général de Miribel a définitivement arrêté : il est urgent de doter notre belle armée nationale d'un nouveau corps d'armée, le 20e, tout en assurant dans les meilleures conditions possibles la sécurité de nos possessions d'outre-mer.
     D'après le projet qui va être soumis incessamment aux délibérations du Parlement, le rattachement à la guerre, ne comportera que des modifications dans la répartition et l'organisation des troupes actuelles ; il n'entraînera pas de création d'unités nouvelles, si ce n'est la reconstitution du 4e régiment tonkinois. Mais les deux régiments étrangers seront incorporés dans l'armée coloniale et fourniront des garnisons en Indochine, au Sénégal et à Madagascar.
     Bref, la nouvelle armée comprendra, outre les douze régiments d'infanterie de marine : les deux régiments de la légion étrangère, le régiment de tirailleurs sénégalais, le régiment de tirailleurs  annamites, quatre régiments de tirailleurs tonkinois, le corps des cipahis de l’Inde, le corps des tirailleurs gabonais, le corps des tirailleurs sakalaves, enfin les disciplinaires de la marine.
     Les uniformes de ces troupes sont peu familiers aux Français de France. A peine en ont-ils vu quelques rares échantillons à l'Exposition de 1889. Nous sommes donc certains de faire plaisir à nos lecteurs en leur mettant sous les yeux les différents types des troupes qui vont entrer dans la composition de notre future armée coloniale, en accompagnant chacun d’eux d'une courte notice destinée soit à rappeler en deux mots les hauts faits de nos vieilles et admirables troupes d'Afrique, soit à faire connaître les tirailleurs de nouvelle formation.
Tirailleurs sénégalais
     Cette troupe d'infanterie indigène créée en 1859 comprend aujourd'hui (décision ministérielle du 14 août 1890), 12 compagnies réparties en trois bataillons. Les cadres du régiment comptent, outre les officiers européens, 2 lieutenants et 7 sous-lieutenants indigènes. 
Ces derniers sont nommés au choix par le président de la République et sont traités comme les officiers européens de grades correspondants au point de vue de la solde et des accessoires de solde.
      Le recrutement des tirailleurs s'opère par voie d'engagement volontaire parmi les indigènes de la Sénégambie, et par voie de rengagement parmi les tirailleurs libérés qui désirent continuer leur service.
     Les engagements et les rengagements sont contractés pour une durée de deux, quatre ou six ans et donnent droit respectivement à une prime de 80, 180 ou 300 francs.
     Les musulmans prêtent serment de fidélité sur le Coran.
Les spahis algériens et sénégalais
     Créée en 1840 par Yusuff, notre cavalerie indigène forma bientôt trois beaux régiments de spahis, qui furent répartis dans chacune des provinces de l'Algérie.
     Après l'occupation de la Tunisie, on organisa un quatrième régiment, qui tient aujourd'hui garnison à Sfax.
     Ces troupes sont peu faciles à manier, et quand il s'agit de mobiliser un escadron ou deux pour une simple expédition, on ne saurait prendre trop de précautions. Bref, les spahis, qui nous rendent de très grands services en Algérie, sont à peu près inutilisables en Europe. Les différents essais qu'on 
en a fait jusqu'ici n'ont donné que de médiocres résultats.
     Le 1er régiment détache un escadron au Sénégal, qui prend ainsi le nom de spahis sénégalais.
Les cipahis de l'Inde
     Combien de Français ignorent l'existence de ce corps qui date de 1740 !... Cette troupe indigène, entretenue dans les établissements français de l'Inde, forme une compagnie placée sous le commandement d'un capitaine chef de corps, assisté d'un officier payeur, de deux lieutenants européens et d'un lieutenant et d'un sous-lieutenant indigènes.
     L'effectif total du corps est de 166, plus trois petits moricauds comme enfants de troupe !
     Les cipahis de l'Inde n'ont rien à envier aux troupes européennes. Ils possèdent, en effet, une fanfare de 16 soldats musiciens à qui nous promettons un beau succès si jamais le ministre de la guerre les appelle à prendre part à une revue du 14 Juillet.
     Le recrutement s'opère parmi les indigènes par voie d'engagements volontaires ou de rengagements.
     Le corps des cipahis de l'Inde est soumis au contrôle administratif du commissariat de la marine.
Les tirailleurs algériens
     On croit généralement que les tirailleurs algériens, — les turcos, — sortent des zouaves. 
C'est une erreur. Bien avant que leur existence fût consacrée officiellement par la loi du 9 mars 1881, des compagnies d'indigènes étaient recrutées un peu partout, suivant les besoins, par les généraux commandant les provinces de l'Algérie. Aujourd’hui, les tirailleurs forment quatre régiments, dont un en Tunisie, et ils ont si souvent mêlé leur sang au sang de nos petits soldats de France, qu'on peut  regretter qu’ils n'entrent pas dans le plan de la mobilisation générale de notre armées.
     Leur admirable conduite aux sanglants combats de Wissembourg et de Woerth, où les trois régiments furent à peu prés anéantis, leur a donné une gloire que peuvent leur envier tous nos régiments de France.
     Depuis les malheurs de l'année terrible, les turcos sont allés au Tonkin où ils ont prouvé maintes fois qu'ils n'avaient pas leurs pareils, comme troupes d'avant-garde.
La légion étrangère
     L'origine de la légion étrangère se perd dans la nuit des temps. La vieille monarchie, en effet, a presque toujours eu à son service des troupes étrangères. Licenciées par la Révolution, nous les retrouvons à la Restauration, sous le nom de régiments suisses, qui disparaissent à leur tour en 1830.
     Le 9 mars 1831, une loi autorise le gouvernement à recruter une légion d'étrangers à la condition qu'elle ne pourrait être employée que hors du territoire continental de France; après avoir passé par de nombreuses transformations, la légion étrangère forme aujourd'hui deux beaux régiments dont on trouve des éléments partout où l'on tire un coup de fusil.
     Ces régiments ne se distinguent pas précisément par la discipline, car le recrutement en est des plus variés. Mais on leur pardonne volontiers leurs incartades quand on se rappelle qu'en Algérie, en Crimée, au Mexique, pendant la campagne de France, au Tonkin, en un mot sur tous les champs de bataille, ces soldats de nationalités diverses, déserteurs de toutes les armées européennes pour la plupart, ont versé leur sang pour la France, rivalisant de bravoure avec leurs camarades des zouaves 
et des turcos.
     L'histoire de la légion étrangère, c'est l'histoire de toutes nos guerres depuis soixante ans. Il suffira de rappeler, pour la gloire de son drapeau que, sur les 597 hommes dont se composait la petite garnison de Tuyen-Quan, dont la défense a immortalisé le nom de l'héroïque commandant Dominé, 390 appartenaient aux deux premières compagnies du 1er régiment étranger.
     Quand la brigade Giovaninelli vint les délivrer, 158 d'entre eux avaient été tués ou blessés.
     Les légionnaires sont peut-être les plus débrouillards des soldats du monde entier. En garnison, ce sont de détestables troupiers; mais au feu ils rachètent toutes leurs peccadilles par une bravoure à toute épreuve, une audace, un mépris de la mort qui en font des combattants incomparables.
Les tirailleurs annamites
     Le corps d'infanterie indigène des tirailleurs annamites, organisé le 23 octobre 1883, par l'amiral Courbet, forme un régiment de 3 bataillons à 4 compagnies chacun; l'effectif de chaque compagnie, basé sur les ressources du pays, ne peut être moindre de 200 hommes, ni supérieur à 250.
     Le recrutement des indigènes, essentiellement régional, s'opère par voie d'appels, suivant la coutume annamite, chaque commune étant responsable de son contingent sous les drapeaux. La durée du service est provisoirement fixée à deux ans.
     La répartition territoriale des compagnies est déterminée par le gouverneur. En principe, chaque compagnie doit être stationnée, par fractions constituées, dans la partie du territoire où elle se recrute.
     Les tirailleurs annamites ont déjà rendu de nombreux services et en rendront de plus grands encore dans un avenir peu éloigné.
Les tirailleurs de Madagascar
      Les tirailleurs de Madagascar, ou tirailleurs sakalaves, forment une compagnie commandée par un capitaine d'infanterie de marine.
     Le bataillon d'infanterie de marine stationné à Diégo-Suarez fournit directement les gradés européens de cette compagnie, dont l'effectif varie suivant le nombre d'indigènes entretenus.


 

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